Le mémoire d'Option chitoyenne au complet:
http://www.optioncitoyenne.ca/pdf/memoire_egalite_h-f_03-02-05.pdfPour une égalité réelle entre les hommes et les femmesMémoire présenté à la Commission parlementaire sur l’égalité entre
les femmes et les hommes
Par Option citoyenne
Février 2005
Pour une égalité réelle entre les hommes et les femmes
Qui sommes-nous ?
Option citoyenne est un mouvement politique dont l’objectif est ’intervenir dans la sphère politique partisane en y proposant la construction d’un Québec centré sur la recherche du bien commun. Composé d’hommes et de femmes, Option citoyenne propose des valeurs comme l’atteinte de la justice sociale, l’égalité entre les hommes et les femmes, une vision écologiste de l’avenir du Québec, le combat contre le racisme, la résolution des conflits par des moyens pacifiques et la solidarité entre les peuples.
Option citoyenne croit que l’analyse féministe doit inspirer réflexions et actions dans la poursuite de l’égalité entre les hommes et les femmes. Notre intervention à cette commission parlementaire vient indiquer toute l’importance que nous accordons à cet objectif.
Faut-il encore parler d’égalité, au Québec, en 2005 ?
Dans l’avis intitulé « Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes » (CSF, Québec 2004), le Conseil du statut de la femme écrit ceci :
« Bien que les femmes du Québec bénéficient aujourd’hui de l’égalité de droits, il reste
encore du chemin à parcourir avant d’arriver à une égalité de fait. » (Avis CSF page 15)
Cette assertion est globalement exacte. Il faudrait cependant une analyse plus fine pour que
nous puissions affirmer avec certitude que les femmes autochtones vivant en territoire
québécois, de même que toutes les femmes immigrantes et issues de communautés culturelles,
jouissent d’une entière égalité de droits avec les hommes. Il est permis d’en douter lorsque
l’on sait que dans la communauté juive orthodoxe les lois religieuses ont tendance à primer
sur le code civil québécois et que le Conseil musulman de Montréal réclame du ministre de la
justice, Jacques Dupuis, la reconnaissance étatique d’un conseil de la charia même si le
Conseil musulman tente de faire passer cet organisme pour une simple instance de médiation
tout à fait inoffensive !
Admettons que les avancées des Québécoises depuis 40 ans sont énormes et font l’envie des
femmes de bien d’autres pays. Le CSF illustre largement ces avancées dans son avis. Il est
cependant rassurant que le Conseil souligne que l’égalité de droit n’est pas l’égalité de fait et
que des moyens sont à trouver pour avancer rapidement vers cette véritable égalité combattue
par une droite morale de tradition chrétienne de plus en plus influente en Amérique du nord.
Comment oublier qu’en ce moment même :
les gains moyens des femmes en 2001 sont encore à 69% de ceux des hommes ;
le tiers des emplois créés entre 1988 et 2002 sont à temps partiel et occupés aux deux
tiers par des femmes. Minoritaires dans l’emploi total, les femmes sont majoritaires
dans les emplois précaires (temps partiel, temporaires, à terme, occasionnels, etc.) ;
les femmes forment 30,4% de la députation québécoise et seulement 11% sont
mairesses ;
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en 2001, 71,2% des employés-es au salaire minimum sont des femmes ;
les métiers traditionnellement féminins vers lesquels les jeunes filles se dirigent encore
massivement demeurent sous-payés en comparaison avec les métiers
traditionnellement masculins ;
beaucoup de femmes immigrantes sont pauvres, isolées et ignorantes de leurs droits ;
la majeure partie des responsabilités domestiques et familiales est assumée par les
femmes de même que l’aide et le soutien aux proches ;
les familles monoparentales à très faible revenu sont le plus souvent dirigées par une
femme ;
Le recensement de 2001 nous apprend que 55% des ménages québécois dont le
principal soutien financier est une femme sont locataires contre 34% des hommes dans
la même situation ;
22,8% des femmes et 17,3% des hommes entrent dans la classe élevée de l’indice de
détresse psychologique. Une recherche récente citée dernièrement dans la Presse
indique que ce fait pourrait être associé à la double tâche assumée principalement par
les femmes, entraînant chez plusieurs une situation de dépression ;
cinq fois plus de femmes que d’hommes sont victimes de violence conjugale ;
au Canada, 82% des victimes d’agression sexuelle sont des femmes.
Est-il besoin d’en dire plus ? On voit bien que l’égalité des droits ne signifie pas l’égalité dans
les faits même si, convenons-en, pour beaucoup de femmes québécoises, la société apporte
bien plus de choix et de possibilités que pour leurs mères et leurs grands-mères.
Mais comment avancer vers l’égalité ? Comment nous assurer qu’aucune femme ne restera
sur le quai de la gare à cause d’un handicap, de la couleur de sa peau, de son statut social ou
de son origine ethnique ? La lutte pour l’égalité n’appartient-elle qu’aux femmes ? Quelles
alliances forger ? Quel doit être le rôle de l’État dans cet immense chantier ?
Le document « Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les
hommes » tente de répondre à ces questions. Il nous propose trois leviers pour travailler à
l’égalité : une approche spécifique, une approche transversale, une approche sociétale. Puis, il
définit sept orientations et plusieurs axes d’intervention. Option citoyenne veut commenter
l’introduction de ces leviers de même que certaines des orientations. Nos commentaires et nos
recommandations seront généraux, laissant aux groupes de femmes le soin de faire des
propositions plus détaillées dans les champs d’activités qui les concernent.
3) Des leviers utiles ?
« L’idéal d’égalité recherché entre les femmes et les hommes suppose la correction des
inégalités et l’élimination de toutes les discriminations basées sur le sexe. (…) Il implique que
la société soit libérée de la hiérarchisation des rapports sociaux entre les hommes et les
femmes et que le sexe ne soit plus un marqueur des rôles sociaux. » (Avis, page 33)
Option citoyenne souscrit à cette définition de l’égalité – tout en soulignant l’importance de
l’égalité entre les femmes elles-mêmes – et veut intervenir sur les leviers proposés en
s’interrogeant sur leur pertinence.
D’abord, l’approche spécifique. Il s’agit, dit le Conseil « d’un ensemble d’actions concrètes
ciblant particulièrement les femmes, dans le but explicite de prévenir ou de corriger les
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inégalités dont celles-ci sont encore victimes » (Avis page 35). S’adressant aux femmes en
général ou à des groupes particulièrement discriminés, l’approche spécifique conserve toute
sa place et sa légitimité malgré le chemin parcouru à ce jour par de nombreuses femmes. Par
exemple, rappelons que la scolarisation massive des filles est loin de se traduire par une
véritable équité salariale ou par une possibilité égale d’avancement ou de promotion dans les
milieux de travail. Soulignons que les femmes immigrantes ont parfois de la difficulté à avoir
accès à des cours de français et se voient confinées à des emplois de misère. Les femmes
autochtones subissent diverses formes de violence en plus grand nombre que leurs consoeurs
québécoises. Un nombre insuffisant de femmes arrive à se frayer un chemin vers des postes
décisionnels dans la sphère politique.
Recommandation 1
L’approche spécifique demeure donc déterminante pour de nombreuses catégories de
femmes et Option citoyenne souhaite que le gouvernement du Québec soit davantage
proactif en matière d’équité salariale, maintienne les programmes d’accès à l’égalité en
dégageant les ressources nécessaires à leur réalisation et leur évaluation, prenne en
compte les problèmes spécifiques aux femmes doublement discriminées et propose des
mesures favorisant un accès accru des femmes dans la sphère politique.
Parlons maintenant de l’approche transversale décrite comme suit par le Conseil : « Il s’agit
de viser à ce que les lois, politiques, programmes et services publics dans leur ensemble, et
particulièrement ceux qui soulèvent les enjeux les plus importants, aillent dans le sens de
l’égalité entre les femmes et les hommes ou n’y contreviennent pas. » (Avis page 36). Cette
approche est essentielle car elle vient outiller les gouvernements dans leur rôle de leadership
en matière d’égalité. Option citoyenne croit en effet que ce rôle est crucial et qu’un
gouvernement doit se donner comme mandat de garantir le respect effectif des droits
fondamentaux de toutes et tous. Voilà pourquoi un gouvernement doit se doter d’outils
d’analyse permettant de détecter les inégalités et les discriminations ou encore les effets
pervers de politiques en apparence intéressantes. L’approche intégrée de l’égalité est utile et
doit compléter l’approche spécifique. Nous reviendrons plus loin sur les organismes
gouvernementaux nécessaires à la mise en œuvre de l’approche transversale.
Nous convenons aussi que cette approche permettra au gouvernement d’effectuer les
recherches et les ajustements nécessaires à une compréhension et à une action tenant en
compte les différences entre les sexes.
Recommandation 2
Option citoyenne appuie donc l’approche transversale afin que tout l’appareil
gouvernemental de même que les services publics contribuent à l’atteinte de l’égalité
entre les femmes et les hommes et développent des actions prenant en compte les
différences entre les sexes.
Et finalement, l’approche sociétale. Nous sommes d’accord avec l’idée qu’une mobilisation
générale est nécessaire pour que tous les acteurs sociaux se sentent interpellés et engagés dans
le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes. On parle ici des mouvements
sociaux, des services publics, des instances locales et régionales, des médias, etc. Et l’on fait
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appel tant aux hommes qu’aux femmes sans quoi des changements en profondeur
demeureront très difficiles. Nous pensons ici aux combats contre les discriminations au
travail, au développement de la conciliation famille-travail, au partage des tâches éducatives
et domestiques, à l’élimination du sexisme et des stéréotypes sexuels ainsi que de la violence
faite aux femmes etc. Multiples sont les terrains de lutte et de changements où les alliances
entre les hommes et les femmes feront la différence entre la situation actuelle et un futur où
les femmes et les hommes vivront dans l’égalité enfin réalisée.
Cela dit, il ne faut pas tout confondre. Option citoyenne met en garde le Conseil du statut de
la femme et le gouvernement qui a demandé l’avis dont nous discutons, de ne pas mélanger
les alliances nécessaires et la prise en charge par les femmes ou leurs organismes
représentatifs, de problèmes spécifiques aux hommes. Ces problèmes existent. On parle
souvent du décrochage scolaire des garçons, du haut taux de suicide chez les jeunes hommes
ou des difficultés de plusieurs hommes à s’extirper des stéréotypes qui les entraînent dans des
voies néfastes, pour leur santé, par exemple. Cette situation est préoccupante et de
nombreuses féministes, qui sont aussi conjointes, mères, sœurs, amies, s’inquiètent pour ces
hommes qui risquent parfois leur santé et leur vie à cause de comportements à risque, du refus
de consulter, d’une détresse qui ne veut pas être nommée, même avec les proches. Il
n’appartient cependant pas aux organismes gouvernementaux chargés de condition féminine
de porter la responsabilité de la détresse masculine. Celle-ci n’est pas due à une inégalité entre
les sexes ou à des discriminations en fonction du sexe mais elle est plutôt le produit d’une
culture, d’une histoire, de stéréotypes, de comportements à questionner profondément. Ce
sont les hommes, en premier lieu, qui peuvent le faire. Cela dit, des ministères, celui de la
santé, par exemple, doivent envisager des approches nouvelles dans leurs services aux
hommes en difficulté tout comme ils l’ont parfois fait pour les femmes, avec succès.
Bon nombre d’hommes québécois ont pris acte, bien sûr, des changements survenus dans les
rapports entre les sexes et de la place grandissante des femmes dans l’espace public. Mais les
institutions, les mentalités, les traditions, la culture, la publicité, ne sont pas si faciles à
changer. Il n’est pas étonnant que les femmes doivent encore et encore lutter pour la conquête
de leur autonomie, pour un salaire égal, pour que les hommes assument pleinement leurs
responsabilités dans la famille, pour vivre des relations égalitaires et exemptes de toute
violence. Il n’est pas étonnant non plus que des hommes cherchent à re-définir leur identité, se
demandent comment entrer en relation avec l’autre sexe, tâtonnent un peu dans l’exercice de
leurs responsabilités familiales. D’aussi grands changements contiennent forcément leur lot de
souffrances et de difficultés de part et d’autre.
Ce que nous devons défendre, c’est que ces changements sont profitables à tous et à toutes. Et
c’est pourquoi nous devons y travailler ensemble ; qu’il s’agisse de conciliation familletravail,
de relations égalitaires entre les sexes, de co-responsabilité parentale, d’égalité au
travail, les changements seront bénéfiques à toute la population.